samedi 19 juin 2010

Case-gigogne

Sur le balcon, Robinson relate à Karl la conversation qu’il a eue quelque temps auparavant avec un domestique de Brunelda, conversation au cours de laquelle le domestique décrivait à Robinson une des nombreuses sautes d’humeur de sa patronne, saute d’humeur causée par la visite de son ex-mari, qu’elle ne peut pas voir en peinture : un récit dans un récit dans un récit, et tout ça à l’intérieur d’une même case, ce qui donne lieu à un petit jeu formel intéressant.



dimanche 13 juin 2010

Un charme indéfinissable

Un joli portrait de la Brunelda, telle qu’elle apparaît lorsqu’elle fait la rencontre de Delamarche et Robinson. Une pouffiasse, mais avec de la classe, de l’élégance. Elle correspond un peu aux canons de beauté féminine dans les images du XVIIe siècle. C’est ce qui la rend intéressante à dessiner. Je lui trouverais même un certain charme. Ça provient sans doute d’une fascination pour les chanteuses d’opéra ...

On le verra dans la suite du récit, Brunelda est un personnage romantique. Pathétique même, dans les deux sens du terme.

jeudi 10 juin 2010

Restauration

Je travaille présentement à remettre en état les pages de «Red Ketchup s’est échappé», quatrième album de la série en réédition à La Pastèque, prévu pour cet automne.

L’essentiel du travail consiste à réaligner sur Photoshop le calque «couleur» avec le calque «dessin au trait». Ça peut sembler assez simple à première vue, mais, comme le matériel date de vingt ans, les supports se sont déformés, sont parfois abîmés et il faut ajuster les cases une à une, en effectuant plusieurs retouches. Photoshop est l’outil idéal et permet d’obtenir une image plus nette que l’édition originale, mais il faut se méfier : comme on peut voir à l’écran les détails les plus minuscules, on a tendance à trop en faire. Il faut savoir où s’arrêter.

Quoi qu’il en soit, c’est une corvée longue et ennuyeuse – une heure par page minimum, quarante-quatre pages en tout– et j’ai hâte d’avoir terminé pour pouvoir me remettre à «L’Amérique ou le Disparu». Vive le noir et blanc !

jeudi 3 juin 2010

Psychanalyse

J’ai rêvé la nuit dernière que le magazine CROC existait toujours, mais que je n’en faisais plus partie. Les bandes dessinées qui y paraissaient me semblaient toutes dénuées d’intérêt.
Ce n’est pas la première fois que je fais ce genre de rêve. Ça doit vouloir dire quelque chose.
Plus jeune, je croyais que, lorsque j’aurais atteint l’âge vénérable que j’ai maintenant, j’aurais acquis une certaine stabilité, que je serais plus sage, plus serein. Mais il n’en est rien. Je suis peut-être un peu plus désabusé, un peu plus fatigué (il paraît que c’est normal), mais je porte toujours en moi la même anxiété, les mêmes obsessions, les mêmes désirs inassouvis. Sauf que l’avenir se fait de plus en plus étroit.
J’ai produit en quarante ans un millier de pages de bandes dessinées et un nombre incalculable d’illustrations, dont la plupart ont été publiées. C’est beaucoup, assez en tout cas pour en avoir parfois un ras-le-bol profond, mais, en même temps, ce n’est pas assez. Je ne suis plus exactement un novice, ni un parfait inconnu, mais j’ai l’impression que tout reste à faire, qu’il n’y a rien d’acquis, que je dois encore conquérir ma place. Mais je me demande si, à cinquante-huit ans, il n’est pas un peu tard pour songer à me bâtir une carrière.
Enfin, je vais commencer par finir cet album. On verra bien pour la suite ...

mardi 1 juin 2010

Romantisme et pathétique

Il y a de ces mots que des tas de gens utilisent sans en connaître le sens véritable. Ainsi, le mot «romantisme» sert couramment à désigner l’ensemble des rituels plus ou moins convenus régissant les jeux de la séduction et les rapports amoureux : galanterie, bouquets de fleurs, billets doux, chocolats à la St-Valentin, petits soupers à la chandelle en tête-à-tête, promenades main dans la main au clair de lune, bagues de fiançailles (diamant obligatoire), le tout se terminant inévitablement par un beau mariage. Ce qui arrive ensuite n’a aucune espèce d’importance, le film est fini.
Tout ça est bien joli, mais n’a pas grand-chose à voir avec le romantisme dans le vrai sens du terme, lequel n’est pas automatiquement relié à la vie amoureuse, même si c’est souvent le cas. Le romantique est un être passionné, excessif, anticonformiste, qui aime la démesure et le bizarre et qui vit sa vie comme s’il s’agissait d’une œuvre de fiction. Il est fondamentalement individualiste et égocentrique, voire narcissique, même s’il est à l’occasion capable de grands élans d’altruisme et de générosité. Rebelle, il cherche à provoquer, à choquer le bourgeois et, pour cette raison, affecte un certain débraillé dans sa tenue. Par haine du bourgeois, justement, il méprise le plus souvent l’argent et le pouvoir. Mais pas toujours : bâtir un empire peut avoir quelque chose de très romantique. Encore plus lorsque l’empire s’écroule : le romantique aime vivre dangereusement. Il est tourmenté, volontiers suicidaire, généralement tuberculeux (du moins à une certaine époque).
Alors, si vous rêvez d’une relation amoureuse romantique, pensez-y à deux fois.
Un peu dans le même ordre d’idées, il y a un autre mot qu’on emploie très souvent à tort et à travers, ce qui a le don de me taper sur les nerfs. J’en ai même fait une croisade personnelle. Il s’agit du mot «pathétique», qu’on utilise dans le sens anglais de «pathetic», c’est-à-dire pitoyable, lamentable, minable, dérisoire. On le voit fréquemment sur les tribunes d’amateurs de sport, comme par exemple pour qualifier l’ardeur au jeu des frères Kostitsyn. Sauf qu’en français, le mot signifie «bouleversant», «qui suscite une profonde émotion». Rien à voir avec les frères Kostitsyn. Il n’y a pas comme en anglais cette dérive ironique laissant entendre : «c’est tellement nul que c’en est pathétique».

Quel rapport tout cela a-t-il avec «L’Amérique ou le Disparu» ? Pas le moindre, ou si peu. Kafka, bien que tuberculeux, n’est pas précisément un auteur romantique.
Tout de même, le travail avance. Mais je ne veux pas tout montrer sur le blog. Il faut bien que j’en laisse un peu pour l’album ...