vendredi 30 décembre 2011

On prend toujours un escalier

Six ans, ou presque, séparent ces deux cases – six ans en temps réel, s’entend. Dans le récit, je ne saurais dire exactement, peut-être deux ans.

Dans la première case, on voit Karl sur le bateau qui l’a conduit en Amérique, descendant l’escalier menant à la cale et, éventuellement, vers son destin. Dans la deuxième, cent-quarante-deux pages plus tard, il descend un autre escalier le menant vers son destin, l’escalier du métro de New York.


On constatera que son aspect physique a passablement changé dans l’intervalle. C’est parce qu’il a vieilli, bien sûr. Mais pas autant que moi.

dimanche 18 décembre 2011

Quelques croquis pour un projet futur


Je fais une petite pause de l’album pour travailler à un dessin qui fait partie d’un recueil projeté intitulé «Avant l’Apocalypse» (pour en savoir plus long, voir sur ce blog le message du 22 avril 2011). Je n’en montre pas plus pour l’instant. Une version noir et blanc du dessin complet devrait paraître en avant-première dans «Plan B», fanzine annuel des étudiants en BD de L’UQO.

samedi 10 décembre 2011

Langue d'affichage

L’Amérique ou le Disparu est une bande dessinée écrite en français, tirée d’un roman dont la version originale est en allemand et dont l’action se passe aux États-Unis.

Dans la réalité, les personnages s’exprimeraient normalement en anglais, sauf pour quelques scènes au début se déroulant en allemand. Mais les dialogues et récitatifs sont en français, convention que le lecteur accepte naturellement. Exceptionnellement, quelques rares bouts de répliques sont écrits en anglais ou en allemand, pour exprimer les particularités linguistiques des personnages.

Par contre, comme on se trouve dans un environnement anglophone, toutes les affiches, enseignes et écriteaux sont en anglais, comme il se doit (si on était dans un film doublé en français, on aurait droit à la voix off donnant la traduction, chose que je trouve parfois plutôt comique, comme lorsqu’on lit sur une porte «rest rooms» tandis qu’une voix neutre sortie de nulle part nous dit «toilettes»).

Dans cette scène, au début du chapitre IX, Karl déambule sur la rue au milieu d’une foule, lorsque son attention est attirée par une affiche, laquelle décidera ultimement de sa destinée. On aperçoit d’abord dans le décor une partie de l’affiche, telle qu’on la verrait en réalité, c’est-à-dire en anglais.

La case suivante, toutefois, reproduit l’affiche au complet. Elle n’est plus un élément de décor, mais devient en fait un récitatif, déterminant pour la suite du récit. Je l’ai donc transcrite en français, tout en conservant la disposition et la typographie d’origine. Cela produit un curieux effet de décalage, effet qui devrait s’effacer si jamais l’album était traduit en anglais.

L’affiche est lettrée à la main, comme tout le reste de l’album. Pour gagner du temps, cependant, je l’ai d’abord tapée dans Word, de façon à me faire une sorte de brouillon numérique.

Je me suis inspiré pour le style de l’affiche de documents d’époque. Une reproduction de l’affiche «Men of color», qui date originalement de la Guerre de Sécession, décorait jadis mon appartement.

dimanche 27 novembre 2011

Morceaux de Ketchup

Je n’ai pas touché à l’album depuis plus de deux semaines. Non par paresse, par découragement ou suite à une panne d’inspiration, mais principalement parce que j’ai consacré la majeure partie de mon temps disponible à réaliser une affiche pour l’exposition Red Ketchup qui se tiendra à Québec en avril prochain, dans le cadre du FBDFQ, pour commémorer les trente ans d’existence du personnage. J’ai le patrimoine plutôt occupé ces jours-ci.

Il serait prématuré de montrer la chose au complet, mais je n’ai pas pu résister à l’envie d’en dévoiler des petits bouts.




mardi 22 novembre 2011

Des Chefs et des Indiens

Au cinéma, c’est toujours le réalisateur qui est considéré comme l’auteur d’un film. L’apport du scénariste n’est certes pas négligeable, mais on s’entend généralement pour dire que, s’il fournit le point de départ, la matière brute, l’essentiel du travail de création est entre les mains du réalisateur. En bande dessinée, par contre, l’usage veut qu’on donne un crédit égal au scénariste et au dessinateur (dans les cas, bien sûr où il s’agit de deux personnes différentes), en accordant même parfois plus d’importance au premier.

Pourtant, la contribution du dessinateur de BD équivaut bien à celle du réalisateur de cinéma, et même davantage. Le dessinateur, assume, en plus de la mise en scène, les responsabilités des prises de vues, cadrages et éclairages, des décors et des costumes. Il doit même se faire comédien et jouer tous les rôles.

Je m’interroge.

Loin de moi l’idée de vouloir minimiser le rôle du scénariste. Après tout, il faut une bonne histoire pour faire une bonne BD. Mais une bonne histoire n’est rien s’il n’y a personne pour lui donner vie. Le dessinateur peut à l’occasion publier un recueil de croquis et d’esquisses, exposer ou vendre des planches originales. Mais qui est intéressé à lire des scénarios ? À la limite, un récit incohérent et mal foutu peut donner quelque chose de valable s’il est traité avec style et imagination. À l’inverse, la meilleure histoire est sans intérêt si elle est mal dessinée. Et quand je dis «bien» ou «mal» dessiner, il faut comprendre que le dessin de BD a ses critères de qualité spécifiques, distincts des Beaux-Arts ou de l’illustration. En BD, un dessin grossier ou maladroit (en apparence) peut être génial, tandis qu’une superbe illustration peut être une mauvaise case de BD si elle ne fait pas le travail.

À propos de travail, il y a une disproportion énorme entre les heures fournies par le dessinateur et celles fournies par le scénariste. Le rapport est variable, mais peut se situer autour de dix contre un. Et pourtant, lorsque vient le temps de répartir les droits d’auteur, les deux reçoivent à peu près autant. La chose pourrait se justifier si le scénariste était le véritable créateur et le dessinateur un simple exécutant. Or, on vient de le voir, il n’en est rien. Il y a bien, parmi les dessinateurs un certain nombre de tâcherons inintéressants, mais pas plus que dans n’importe quelle discipline. Je sais par ailleurs que le mérite artistique ne se mesure pas en nombres d’heures de travail. On peut pondre un chef-d’œuvre en quinze minutes ou bien passer des années à élaborer une merde totale.

Ce ne sont là que quelques réflexions purement gratuites que je lance au hasard. Je peux porter aussi bien le chapeau du scénariste que celui du dessinateur et je n’ai pas l’esprit corporatiste. Je ne revendique rien et, qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions, je ne cherche pas par ce moyen à régler quelque litige personnel que ce soit. Si c’était le cas, je ne le ferais pas ici.

jeudi 10 novembre 2011

Bienvenue à Hoboken

Le décor peut lui aussi susciter une émotion. Le paysage que l’on voit ici dans la case finale du chapitre VIII n’est pas ce que j’appellerais idyllique, mais je le trouve particulièrement évocateur.

Il est inspiré d’Hoboken, New Jersey, municipalité portuaire et industrielle de l’agglomération new yorkaise où je n’ai jamais mis les pieds et qui n’est pas mentionnée dans le roman. Comme il s’agit d’une scène de transition, il n’en sera pas question non plus par la suite dans l’album. Le but était simplement de donner une ambiance.

L’image est inspirée d’Hoboken donc, mais inspirée seulement. Comme à mon habitude, elle ne correspond à aucune photo précise, mais est plutôt reconstituée à partir d’un amalgame de documents (pas évident de trouver des images d’Hoboken il y a un siècle, même sur Google). Comme à mon habitude aussi, tout est tracé à main levée.

Pourquoi Hoboken ? Pour l’atmosphère bien sûr, mais surtout à cause du nom : si on l’ampute de la dernière syllabe (comme sur le panneau à droite de la case), on lit le mot «hobo», qui correspond exactement à ce que Karl est devenu.

Les décors dans l’album ne représentent pas tant la grande ville, la mégalopole au centre du monde (à l’exception de la grande case suggérant Wall Street, au chapitre II, voir sur le blog 20 janvier 2009), mais plutôt les faubourgs, la banlieue, morne no man’s land, lieu insaisissable et indéfini entre la ville et la campagne.

L’Amérique recréée par Kafka demeure très européenne. C’est d’ailleurs ce qui fait la singularité des atmosphères décrites dans le roman. La mienne est tirée de mon imaginaire, qui est forcément plus nord-américain.

Il y a une autre différence entre son univers et le mien : l’époque, ou plutôt le point de vue sur l’époque. Le roman a été écrit et se situe vers 1912 ; c’est bien cette période que j’ai cherché à reconstituer, avec beaucoup de documentation et un peu d’imagination. Quelques souvenirs aussi, même si je suis né bien plus tard. Cependant, si cette époque est contemporaine de Kafka, elle ne l’est évidemment pas pour moi. Ce qu’il décrivait comme ultra-moderne revêt pour moi un caractère rétro et passéiste.

J’aurais pu transposer le roman en 2012. C’eût été intéressant, mais ce n’eût plus du tout été la même histoire.

dimanche 6 novembre 2011

Adaptation d'une adaptation

Tout en cherchant au départ à être le plus fidèle possible au récit de Kafka, je me le suis approprié comme s’il s’agissait d’un scénario inédit et non d’une adaptation. De façon à ce que le produit final ressemble à une BD, j’ai mis le texte original de côté pour tout réécrire. J’ai aussi, inévitablement, simplifié et abrégé, sans quoi je me serais retrouvé avec un album de mille pages. Mon but n’est pas de vulgariser l’œuvre de Kafka pour la rendre accessible (elle n’en a pas besoin), mais simplement de réaliser un bon album.

L’idée m’est venue d’effectuer une petite expérience en prenant une courte séquence de la BD et en refaisant en sens inverse le processus d’adaptation, pour lui donner la forme d’un passage de roman. Il y est question d’une rencontre quelque peu stressante avec un agent de police.

Voici ce que ça donne :

L’officier les regarda d’un œil soupçonneux.

- On peut la voir, cette convocation ?

- Tout de suite, monsieur l’agent, répondit Karl sans broncher.

- Je...je ne sais plus où j’ai mis le papier! bredouilla Brunelda.

Désespérée, au bord de la panique, elle se mit à fouiller sous la couverture et dans les replis de sa robe, avec l’aide de Karl.

- Je vous assure, dit ce dernier, qu’il y a bel et bien une convocation et que nous allons la retrouver!

- Bon, ça suffit, pas d’histoires !

L’agent commençait à s’impatienter.

Ce fut Karl qui finit par retrouver le document. Il le tendit au policier.

-Ho ! Ho ! Je vois ... dit ce dernier avec un sourire entendu, en apercevant l’entête de l’Entreprise 25. C’est LÀ que vous conduisez Mademoiselle...

Bon, ça va, circulez, ajouta-t-il d’un ton sec, en indiquant de son bâton le chemin à Karl, qui recouvrit de la couverture la tête de Brunelda et s’éloigna en poussant un soupir de soulagement.

Ce passage diffère évidemment du texte d’origine, que je reproduis ici, pour fins de comparaison (dans la traduction d’Alexandre Vialatte) :

- Montrez donc, Mademoiselle, dit-il, le papier que vous avez reçu.

- Ah ! en effet, dit Brunelda, en se mettant à chercher si désespérément qu’elle n’en parut que plus suspecte.

- La demoiselle, dit l’agent avec une indubitable ironie, ne va pas retrouver le papier.

- Mais si, dit Karl très calmement, elle l’a sûrement, mais elle ne sait plus où.

Il se mit à chercher lui-même et, de fait, le trouva, dans le dos de Brunelda. Le sergent de ville n’y jeta qu’un coup d’œil.

- C’est donc ça ? dit-il en souriant. Voilà donc ce qu’est la demoiselle ! Et c’est vous, petit, qui faites l’intermédiaire et qui assurez le transport ? Vous ne pouvez pas trouver quelque chose de mieux ?

Karl se contenta de hausser les épaules, il faut toujours que la police se mêle de tout.

- Eh bien ! bon voyage, dit l’agent, voyant qu’il ne recevait pas de réponse.

L’expression devait être méprisante, et Karl repartit sans saluer ; mais le mépris, de la part de la police, est préférable à l’attention.

Est-il besoin de le dire, je ne suis pas Kafka.

lundi 31 octobre 2011

Pianiste dans un bordel

Au début du chapitre IX (chapitre ultime de l’album, que j’ai à peine commencé), Karl se présente pour être engagé au Théâtre de la Nature d’Oklahoma. Les candidats à l’embauche sont reçus par un curieux comité d’accueil, constitué de jeunes filles costumées en anges et jouant de la trompette. Il reconnaît parmi elles une bonne amie à lui, répondant au nom de Fanny.

Qui est cette Fanny ? D’où vient-elle ? Son nom n’est jamais mentionné auparavant dans le roman. De deux choses l’une : ou bien il s’agit de Thérèse, la copine de Karl à l’Hôtel Occidental, rebaptisée ici par Kafka (chose plausible, vu que le roman a paru sous une forme inachevée), ou bien il s’agit d’un personnage provenant d’un chapitre antérieur disparu (ou jamais écrit) de L’Amérique.


Après mûre réflexion, j’ai choisi la deuxième option. Je ne pouvais cependant me résoudre à la faire apparaître comme ça, out of the blue, par génération spontanée. Il me fallait implanter le personnage quelque part en amont, ne fût-ce que sur une seule case. Mais où ?

À la page 140, après avoir abandonné Brunelda à l’Entreprise 25, Karl part à l’aventure, décrochant çà et là pour subsister quelques emplois de misère. Dans une case de la version initiale, on voyait Karl travailler à la voirie, où il se faisait attribuer le surnom de «Negro» (surnom qui lui restera et sous lequel il s’engagera plus tard au Théâtre de la Nature). C’est là, juste avant, que j’ai choisi intercaler une case pour placer sa première rencontre avec la Fanny en question.


On y montre Karl jouant du piano dans un bordel minable, faisant ainsi écho à la phrase célèbre de Jacques Séguéla : «Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel». Les médiocres talents pianistiques de Karl Rossmann avaient déjà été évoqués plus tôt dans l’album. C’est dans ce bordel qu’il fera la connaissance de Fanny. Elle n’est pas nommée alors, mais je lui ai donné une physionomie reconnaissable.

Le recyclage de la prostituée en ange me paraissait une idée charmante.


Évidemment, l’ajout d’une case m’a obligé à modifier quelque peu la mise en page initialement prévue.

vendredi 21 octobre 2011

New York, sous la neige

Même si la métropole américaine peut recevoir à l’occasion une bonne bordée de neige, il faut bien reconnaître que le paysage hivernal que j’ai dessiné ici a des réminiscences plutôt montréalaises. Normal, puisque je suis Montréalais de naissance.

Quelle importance d’ailleurs ? Après tout, le New York imaginé par Kafka dans son roman rappelle Prague plus qu’autre chose.

vendredi 7 octobre 2011

Des Adieux pathétiques

De grosse vache qu’elle était, Brunelda est devenue encore plus grosse, mais beaucoup moins vache. J’ai l’impression d’avoir réussi à rendre attachant ce personnage au départ grotesque et antipathique. Enfin, le lecteur pourra en juger lorsqu’il aura entre les mains l’album terminé. Les personnages sont plus intéressants lorsqu’ils ne font pas exactement ce qu’on attend d’eux. Je crois aussi que la caricature la plus acerbe, la plus cruelle, doit toujours comporter une part de tendresse. Toujours.

En tout cas, moi, je me suis attaché à cette Brunelda et c’est même avec une certaine émotion que j’ai dessiné sa sortie de scène. On se souviendra peut-être que Karl, à bout de ressources, ne pouvant plus prendre soin de Brunelda impotente, a dû se résoudre à la placer dans un inquiétant hospice appelé Entreprise 25.

On lui remet en échange une petite somme d’argent (trente deniers ?), qu’il refuse tout d’abord, puis finit par accepter, sous l’insistance de Brunelda, qui se sacrifie ainsi pour qu’il puisse reprendre sa liberté et avoir une chance de vivre sa vie.

Brunelda est un personnage pathétique, au sens noble du terme.

J’ai cherché à communiquer dans cette ultime apparition de Brunelda une émotion semblable à celle de l’Orpheline de Delacroix. Chose pas évidente : son modèle à lui ne pesait pas 400 livres.


jeudi 22 septembre 2011

Une vieille connaissance

Boulimique à la suite d’un chagrin d’amour, Brunelda est devenue énorme et impotente. Karl qui prend soin d’elle est découragé parce que, après avoir vendu tous les meubles et objets de valeur de l’appartement, il ne reste plus un sou pour la nourrir.

Son voisin l’étudiant lui suggère de la placer à l’Entreprise 25, lieu mystérieux mentionné par Kafka dans le roman, mais dont on ne connaît ni la nature ni la raison d’être. Il faut dire que, le roman étant incomplet, il y a des trous dans le récit, trous que j’ai dû combler lorsque j’en ai fait l’adaptation (cf sur le blog «Broderies», posté il y a tout juste un an ), en y ajoutant des parties de mon cru.

À Karl qui demande à l’étudiant en quoi consiste l’Entreprise 25, ce dernier répond que personne ne le sait, mais émet quelques hypothèses.

Les lecteurs de la série «Red Ketchup» auront peut-être reconnu à la case du milieu l’infâme Docteur Künt, dans le rôle du savant fou.

dimanche 18 septembre 2011

Appel à tous

L’album est complété à près de 90%. Il ne sera pas prêt à sortir demain matin, mais je commence à songer de plus en plus à l’aspect qu’il aura dans sa forme finale. J’ai fait des tests pour juger de l’effet des tons de gris avec quelques variantes. J’ai choisi cette case en particulier parce que les tons de gris y prenaient une place importante.




La version du haut est la forme actuelle : tons de gris uniformes en quatre valeurs, réalisés à l’ordinateur. Dans la version du milieu, je les ai remplacés par des tons de gris équivalents échantillonnés à partir d’un lavis sur papier. La différence est subtile, mais perceptible : l’effet semble plus naturel, moins mécanique, plus «fait à la main», mais pas tout à fait aussi net.

Enfin, la troisième version reproduit la précédente, mais en bichromie. J’ai simplement donné une teinte bleutée aux tons de gris. Comme le bleu produit un effet plus froid, il faudrait, pour équilibrer, un papier de couleur crème, ou d’un blanc chaud à tout le moins. J’ai donc teinté le fond de l’image en conséquence pour voir ce que ça donnerait.

Je sollicite ici l’avis des lecteurs : quelle version vous semble la meilleure ? Évidemment, on n’a ici qu’un extrait à l’écran : il faut imaginer l’album en entier, imprimé sur du vrai papier pour se faire une idée.

vendredi 16 septembre 2011

MARCEEEEL !

Abandonnée par Delamarche, Brunelda effondrée se lamente bruyamment en appelant son amant envolé. Dans le roman, Delamarche n’a pas de prénom. J’ai décidé de lui donner ici (et ici seulement) celui de Marcel, entre autres parce que je trouvais qu’il lui allait bien, mais surtout en référence au film «La Vie en Rose», où l’actrice Marion Cotillard, dans le rôle d’Édith Piaf, gémit de désespoir en apprenant la mort de Marcel Cerdan. Simple petit clin d’œil, même si généralement je ne fais pas dans la parodie.

L’interprétation de Marion Cotillard a été louangée, lui valant même un Oscar.

Pour ma part, j’ai trouvé quelque peu agaçant cet étalage d’émotions sans retenue, en particulier dans cette scène.

http://www.youtube.com/watch?v=45GevK04N0w&feature=player_detailpage

Toujours est-il que Brunelda, pour oublier son chagrin, fait comme tout le monde : elle se met à manger ...

Pour rester dans les références cinématographiques, cette case n’est pas sans rappeler une scène mémorable de «Meaning of Life», de Monty Python. À ne pas regarder si vous avez le cœur sensible ou si vous venez de dîner...

http://www.youtube.com/watch?v=rXH_12QWWg8&feature=player_detailpage

samedi 10 septembre 2011

Un Rêve

Je me suis réveillé l’autre matin avec en tête une image très précise provenant d’un rêve fait durant la nuit. Je l’ai noté sitôt levé et j’en ai tiré ce dessin, en essayant de la rendre le plus fidèlement possible. Ce qu’elle signifie, je n’en ai pas la moindre idée.

Le personnage à gauche fait évidemment référence à Tintin. Ce n’est pas pour rien. Tintin est enfoui est enfoui dans mon inconscient depuis ma plus tendre enfance et ses images revêtent pour moi, particulièrement dans les albums les plus anciens, un caractère quasi-magique («Tintin au Pays des Soviets», que j’ai lu beaucoup plus tard, n’a pas du tout sur moi cette fascination).

Il y a longtemps que j’ai cessé de croire au Père Noël, tout comme au petit Jésus, mais je crois toujours à Tintin.

Je ne suis bien sûr pas le seul à avoir cette vision onirique et surréaliste de Tintin. Charles Burns, dans son dernier album «X’ed Out» («ToXic» en français) va un peu dans cette direction.

mercredi 24 août 2011

Intervalles


Soixante-trois pages séparent ces deux cases, lesquelles marquent le début et la fin d’une longue séquence quasi ininterrompue d’événements qui couvrent dans le récit (et dans la vie mouvementée de Karl Rossmann) un peu plus de trente-six heures. Par contre, ces pages représentent pour moi environ 1500 heures de travail, réparties sur deux ans et demi, pour le dessin uniquement. On peut y ajouter 150 à 200 heures pour l’écriture du scénario.

Le lecteur moyen mettra sans doute un peu moins d’une heure à les parcourir.

Dans mon exemplaire du roman, la même portion de récit couvre 139 pages. Je ne sais pas combien de temps Kafka a mis à les écrire. Probablement moins que moi à dessiner les miennes.

Tout ça pour dire que le temps est une matière très élastique.



mardi 16 août 2011

Jeux de mains


Chargés par Delamarche d’aller chercher le petit déjeuner de Brunelda chez la logeuse, Karl et Robinson ne parviennent à obtenir de celle-ci qu’un immonde plateau où sont amoncelés pêle-mêle restes de table et vaisselle sale. S’improvisant traiteur, Karl arrive à reconstituer, avec des gestes de prestidigitateur, un petit déjeuner présentable.




mardi 9 août 2011

Amnésie


L’autre jour, en faisant un peu de ménage dans mes archives, chose que je fais rarement, je suis tombé sur ces deux charmants croquis réalisés au crayon gras, médium que je n’utilise pratiquement jamais. Ce qui est étrange, c’est que je n’ai absolument aucun souvenir de leur origine. Je ne sais pas quand je les ai faits, dans quelles circonstances, ni si je les avais faits pour une raison particulière ou par pur plaisir. Ils peuvent dater de vingt ans ou bien de l’année dernière, aucune idée. Pourtant, même s’ils sont dans un style inhabituel, je suis convaincu d’en être bel et bien l’auteur.



vendredi 5 août 2011

Naguère et maintenant

Cette scène où l’on voit Brunelda dans son bain se faisant récurer le dos par son chevalier servant Delamarche n’est pas sans rappeler une scène analogue, tirée de Red Ketchup contre Elvis Presley (1992).


Un peu plus loin, Robinson raconte à Karl le châtiment qu’il a encouru pour avoir osé risquer un œil derrière le paravent. La case présente des similitudes avec un autre extrait provenant de la même scène de Red Ketchup contre Elvis Presley, ainsi qu’avec une autre case, tirée des aventures de Michel Risque, Le Droit Chemin, (1984), où notre héros se fait administrer le baptême par immersion.

dimanche 24 juillet 2011

Un bon boss

Exilé en Amérique, sans famille, sans argent, sans ressources, sans logement, sans papiers, sans existence légale, pourchassé par la police, forcé de trouver refuge dans un taudis, traité comme un esclave par ses occupants – une crapule, une diva insupportable et un ivrogne pleurnichard –, Karl Rossmann s’endort en rêvant du jour où il aura enfin une situation (ou, comme dirait l’autre, une job steady pis un bon boss), en se promettant bien de devenir un employé modèle.


Cette case est la toute dernière du chapitre VII, commencé il y a presque deux ans. Il était temps. Plus que deux chapitres à dessiner, pas aussi longs heureusement.